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Le dernier jour de la girafe

(I. L'été)

Allez, au revoir.

Je ne sais pas dire au revoir. Alors je vais le dire le plus simplement du monde : Au revoir.

C'est foutu.
Tout est foutu.
J'ai rien eu le temps de faire.
J'ai pas eu le temps.
Je croyais que j'allais avoir plus de temps.
J'ai pas eu le temps !
C'est foutu.
Tout est foutu.
Voilà.

Donc je viens dire au revoir.
Il faut que je dise au revoir à tout le monde.
Il faut que je n'oublie personne.
Il faut que je commence par ça.
Commencer par conclure, c'est dur.
Je ne sais pas par quoi je vais commencer.

0 à 7 ans, pas de problème.
-J'ai retrouvé une lettre-
Je dessinais tout le temps.
Je ne pensais qu'à manger des bonbons et des gâteaux.
C'était pas trop compliqué.

"Ma chère maman, -j'étais en colonie de vacances-, je voudrais que tu me fasses un colis avec des bonbons et des gâteaux je te joins un joli dessin de moi j'espère que le David et le Sébastien se battent moins. On fait du patin à roulettes et du vélo, on va bientôt aller à la piscine t'as bien vu sur la carte postale je vous fais une grosse bise Raphaël". Il n'y a pas de points, pas de virgules, c'est écrit tout de travers. Mon père et mes sœurs n'existent pas et je ne pense qu'à manger. Tout était simple.

Il n'y a que mes frères qui me font un peu de soucis à jamais s'arrêter de se taper dessus alors qu'en fait ils se battaient beaucoup moins à ce moment-là parce qu'ils n'étaient plus que deux et que j'étais pas là.

Mais ce que je dis, c'est vrai.
Je suis allé à la piscine après pour apprendre à nager.
J'étais à la montagne à Prémanon, dans le Jura et c'était là qu'on a voulu m'apprendre à nager.

C'est bizarrement foutu quand même, la vie.

Donc, je commencerais bien par dire au revoir au maître nageur qui était à la piscine et qui a essayé de m'apprendre à nager.
Ce type a essayé de m'apprendre à nager en me mettant la tête sous l'eau et en m'appuyant dessus, gros con qu'il était.
J'avais 7 ans et lui, il était maître-nageur.
Je pouvais pas lutter.
A l'époque, j'étais petit quand même.
Alors après, j'évitais la piscine parce que j'aimais pas couler avec la tête sous l'eau en buvant du chlore et de l'eau de Javel par la bouche.
Je suis parti comme je suis venu : sans savoir nager.
Ca me dérangeait pas parce qu'on était à la montagne.

C'était en mai.
C'était un sale mois de mai.
J'ai jamais aimé les colos et en plus, mon meilleur copain était parti au bout de trois jours parce qu'on lui avait volé ses chewing-gum dans son armoire fermée à clé.

Au mois de juillet, juste après, on est parti en vacances avec ma famille.
On était une grande famille.
On était sept.
C'était un nombre idéal…pour s'engueuler ou se battre, il y avait toujours quelqu'un.
Les vacances, c'était sacré.
On avait pas beaucoup d'argent dans la famille mais on a toujours eu bien à manger, des cadeaux à Noël et des grandes vacances.
Avec mes frères, on avait du mal à dormir les veilles de départ.
Donc, le lendemain, quand on se battait dans la voiture avec la caravane derrière, c'était du concentré.
Et les claques de mon père qui finissaient par tomber, aussi.
Après, on dormait parce que c'est fatiguant de se battre sans dormir.
Et on arrivait après des milliers de kilomètres au milieu d'un camping plein d'étrangers avec des arbres pour se faire de l'ombre à cause du soleil.

Mes parents cherchaient une équipe pour jouer à la pétanque pendant que ma mère faisait à manger, la lessive et la vaisselle. Avec mes frères, nous aussi, on cherchait une équipe. Pour faire des conneries à plusieurs parce que c'est toujours plus marrant que tout seul.
Mes sœurs remplaçaient ma mère pendant qu'elle faisait perdre mon père à la pétanque parce que c'était jamais de sa faute à lui.

Nous, on comptait les points avec mes frères.

Quand tout allait trop bien parce que ça finissait toujours par arriver comme on était en vacances, on en profitait pour se taper dessus. Avec mes frères.
Entre nous et contre les autres.
Ce qui faisait qu'on ne perdait jamais la main.
Mon père non plus, d'ailleurs, il ne perdait jamais la main car on la retrouvait forcément sur nos joues à un moment ou à un autre.

Mais on faisait toujours autant les cons, avec mes frères.
Les claques nous faisaient circuler le sang si bien que les nouvelles idées étaient toujours plus nombreuses dans notre tête.
En plus, l'addition des trois têtes qu'on était en faisait vivre une quatrième qui surpassait la nôtre quand elle restait toute seule dans son coin.
Quand on est trois frères, il y a une quatrième personne : c'est NOUS.

Mais ce jour-là, en Ardèche -parce qu'on allait en Ardèche, c'était moins loin que les milliers de kilomètres pour aller aux Saintes-Marie de la Mer ; il y avait la moitié des milliers de kilomètres en moins avec de l'eau quand même pour aller se baigner- ce jour-là, on était les 3 frères mais il n'y a que moi qui ai failli me noyer.

Je suis tombé dans un trou pendant que ma mère me regardait en train de m'amuser.
Plus elle me faisait des signes en souriant, plus je me noyais.
J'étais tout petit et tout maigre mais je coulais très bien.
Je voyais des petits poissons au fond et j'avais décidé à un moment que je ferais comme eux. Il fallait que je me décide à respirer de l'eau par le nez et par la bouche parce que de toute façon, je n'arrivais plus à remonter.
Comme à la piscine.

Comme ma mère ne savait pas nager et qu'elle continuait à me regarder, elle était carrément impressionnée par mon potentiel de nage en apnée.
Alors, elle a demandé à un gros belge rouge comme une brûlure au second degré de venir calmer ma témérité.
Au fond, il a été très sympa car il m'a pris dans ses bras et m'a ramené sur le bord.
Je pouvais enfin respirer alors que ma mère avait du mal.

Tout le monde est venu me voir parce qu'ils avaient entendu le cri du gros belge rouge qui avait plongé dans l'eau glacé alors qu'il faisait au moins 35° dehors.
Depuis ce jour-là, j'aime beaucoup les belges.
Surtout les gros belges rouges.
Ce sont les plus courageux.

"Cher Maître, cher maître-nageur..., toi, le type qui m'a dégoûté de l'eau alors que dans ma baignoire, je voulais jamais sortir quand j'étais petit, à cause de toi, j'ai failli mourir à sept ans. Si j'étais plus grand et qu'un jour je me retrouvais sur scène, je parlerais de toi. Je te traiterais de con comme le con qui me mettait la tête sous l'eau pour rigoler quand j'avais 7 ans. Je te traiterais de con devant tout le monde, alors que tu n'es qu'un pervers ou alors tu n'es rien parce que tu n'es plus car ça se trouve, t'es mort depuis.
Tes mort pour toujours !
Et bien, ne compte pas sur moi pour être malheureux !
Et maître-nageur de montagne, c'est pas une excuse. Salaud !

Mais ce que tu ne sauras jamais parce que ça se trouve t'es déjà mort, c'est que grâce à toi, grâce à toi c'est une façon de parler, j'ai découvert que les belges, au fond, étaient très sympas.
Surtout les gros rouges.

C'est donc grâce à ce belge que j'ai appris à nager, après.
Grâce à un belge qui voulait pas se baigner.
C'est bizarrement foutu la vie, des fois…

A 7 ans, j'avais pris du pouvoir qui s'est transformé en assurance. Je savais nager, j'adorais l'école, j'avais un copain -mon meilleur copain Arnaud-, j'étais amoureux de Virginie, une fille de ma classe qui avait des lunettes jaunes, j'avais des cadeaux de Noël, ma mère nous faisaient des crêpes et on attendait les grandes vacances avec mes frères. Et mes sœurs .
J'étais heureux sans me poser la question.
J'étais petit.
Tout me paraissait grand.
Les espaces immenses.
Les distances et le temps si longs pour arriver quelque part.

Voilà.
C'était l'été, dans ma tête, dans ma vie.

Ca faisait plus de 20 ans que j'avais ça sur le cœur.
Il fallait que je le dise avant de partir.

Ca sera plus facile de dire aurevoir après avoir dit ça.
En tout cas, j'espère.
Parce que aurevoir ou pas aurevoir, il va falloir que je parte.

Quand il faut y aller, il faut y aller.
C'est comme ça.
On n'y peut rien.

On s'adoucit.
On s'endurcit.

On cherche un sens comme d'autres se perdent.
La vie n'est pas une question de direction. C'est une question de contenu.
On ne va jamais ailleurs que dans le fond de sa tête, toute sa vie.
Si on n'est pas capable d'aller tout au fond de sa tête, ça sert à quoi de courir à droite et à gauche ?

Chaque semaine, en arrivant chez le psy, il me demandait :
-Alors, Monsieur, est-ce que vous avez trouvé un sens à votre vie ?
Et moi, je promenais mon regard dans les coins et je répondais comme un con :
-Non, toujours pas.
Et je revenais toutes les semaines pour débuter mon petit entretien sur cette petite question à laquelle je n'avais jamais la moindre petite réponse.

Le matin du 7 janvier, j'étais fatigué, crevé.
Mes yeux ne s'ouvraient pas.
C'était l'hiver.

Il y eut une lueur rouge, rouge au début, et orange ensuite, une ou deux minutes après, derrière la ville.
On voyait bien les stries des nuages allongés, blancs, qui se découpaient sur le ciel bleu.
Le bleu du matin quand il fait beau et froid.
Alors, il a fait un peu plus chaud.

J'avais la lumière sur moi mais mes yeux se sont ouvert un peu plus.
Et puis ils se sont ouvert complètement.

Ce matin-là, il y a 27 ans, tu es devenu mon frère.
C'est ce matin-là.
Voilà.

Mon cœur va pas bien, je le sais.
Mais c'est pas une raison pour mourir.
Des gens sans cœur qui vivent encore, il y en a, et il y en aura toujours.
J'ai connu un maître-nageur tiens…
Mais ça se trouve, il est mort.
J'espère qu'il est mort.
Sinon, ça serait pas normal.

Ca serait ça, la différence entre les hommes et les salauds ?
C'est sûr, c'est fragile un cœur d'homme.
C'est petit. Il faut en prendre soin.
Sinon, on peut mourir.
On meurt toujours à cause du cœur.

Parler avec le cœur, aimer de tout son cœur…
C'est fatiguant.
C'est pour ça. Voilà.

C'est fragile un cœur d'homme.
C'est petit. Il faut en prendre soin.

Je vais y passer, c'est sûr.

J'arrive !

Mais avant, il faut que je dise aurevoir.
Parce que ça ne se fait pas de partir sans dire aurevoir.
C'est comme si on laissait de l'huile sur le feu.
Après, c'est difficile à éteindre.

(II. L'automne)

De 7 à 14 ans, y'a plein de choses qui changent.
Trop. Ca va beaucoup trop vite. Ca file.

D'une année sur l'autre, je ne me ressemblais plus.
Mais j'étais content de grandir parce que petit, des fois, c'est chiant.

A 7 ans, j'avais un copain qui était mon meilleur copain.
C'est devenu mon meilleur copain parce qu'il a dévalé une pente trop vite alors il est tombé et je l'ai aidé.
Comme il habitait juste à côté de chez moi, on est devenu copain.
En plus, on était l'un à côté de l'autre en classe.
J'ai toutes les photos.
J'avais une veste de survêtement bleue et lui, il avait des baskets avec le drapeau américain dessus.
Il était frisé avec une grosse tignasse et comme il était petit, il ressemblait à BOY, le fils de Tarzan et de Jane dans un film.
Si bien que mes parents l'ont accepté tout de suite parce qu'ils l'avaient déjà vu à la télé.

Moi, avec ma coupe de cheveux façon Mireille Mathieu et mes pièces aux coudes et aux genoux, on ne se ressemblait pas.

Mais pour faire des conneries, on était deux.
On travaillait bien à l'école parce qu'on aimait ça, on faisait péter des pétards et on construisait des cabanes dans les arbres le plus haut possible.
On ne se quittait que pour les grandes vacances.
Lui, il partait à l'hôtel en avion, aux Baléares et moi, avec la DS, la caravane et mes frères, en Ardèche.
Lui, il avait pas de frère, donc c'était moi.
Parce que la vie sans frère, c'est chiant.

A 10 ans, on avait embrassé toutes les filles de la classe sur la bouche et on se les échangeait quand on en avait marre.
On aimait bien ça.
Ca faisait battre le cœur plus vite.

On lisait Pif Gadget et on regardait Albator et Goldorak à la télé.
Le mercredi, on mangeait des crêpes.

Un jour, presque en même temps, on s'est mis à penser qu'aux filles.
Ca nous turlupinait alors on leur courait après.
D'un seul coup, tout s'est mis à ne tourner qu'autour de ça.

C'est comme ça que j'ai roulé ma première pelle à une grande qui avait au moins un an de plus que moi.
Je l'ai rencontrée à la fête foraine, à "L'himalaya". Elle s'appelait Sylvie.
Je me suis laissé faire, c'était bon.
Ca a duré une semaine.
Mais plus je lui roulais des pelles, plus je la trouvais moche avec des grands yeux bleus.
Je me suis dit que la faim ne justifiait pas forcément les moyens alors je suis retourné faire des conneries en planche à roulette et en mob avec mon meilleur copain.
On était tout le temps fourré dans les boums et on fumait des Craven S Spécial, pour emballer les filles.
On leur mettait de l'aspirine dans le coca pour les peloter après parce que c'était aphrodisiaque.
On pensait tellement à ça qu'on est devenu complètement cons.
Mais les filles disaient pas non.
Quand une fille disait pas non, ça faisait une espèce de grand appel d'air et ça excitait tous ceux qui étaient pas avec elle.

On pensait tout le temps au sexe sans trop savoir ce que c'était.

On savait en films et en livres parce qu'on épluchait les gros plans mais on y avait jamais mis les pieds ou alors furtivement une main pour voir.
Et on racontait tout pour comparer.
On adorait les seins des filles. On se précipitait dessus dès qu'on pouvait. On était toujours à l'intérieur des soutiens-gorge des filles à pétrir, malaxer, comparer.
On ne pensait qu'à ça.
Le summum était d'arriver à leur peloter une fesse ou les deux.
On était vraiment obsédés !
On matait toutes les nanas en faisant des commentaires et on clopait comme une bande d'obsédés qui s'emmerdaient.

On n'avait pas de problème de cœur, on avait que des problèmes de sexe.
Les filles, c'était surtout une paire de seins avec des fesses et une bouche.
A 14 ans, on marche sur un fil.
Juste avant, on est petit alors qu'à ce moment-là, on n'est pas vraiment grand.
On ne sait plus vraiment où on en est.
Comme en automne, quand l'été s'étend encore un peu mais que l'hiver n'est pas loin.
C'était mon automne à moi.

Bon, ça y est !
T'en es !
Bienvenue au Club !
On m'a dit que…(chuchotements)

C'est vrai qu'on ne se connaissait pas beaucoup avant, mais tu sais, moi les autres, avec eux, c'est pas facile.
Ils verront bien quand ça leur arrivera.

Ils sont là, ils ne savent même pas pourquoi ils sont contents mais ça ne les gêne pas d'être heureux…
Tu sais, j'aime pas trop en parler mais je t'en parle parce que tu connais ça, MAINTENANT.
Maintenant, tu sais.
Tu sais pas tout, mais je t'expliquerai.

Au début, ça fait toujours ça et puis après, on s'habitue.
Le principal, c'est de parler avec des gens qui ont connu ça sinon les autres, c'est des cons.

T'as mal au cœur ?

On est là.
On se croit immortel, on fait le con en bagnole mais tant que ça ne nous touche pas…
Mais quand il arrive quelque chose, c'est plus pareil.
Mais tant que c'est pas toi, tu t'en fous.
Quelqu'un que tu connais pas, ça ne te touche pas.
On dit "c'est terrible" mais on s'en fout.

Alors que là, c'est normal que tu sois triste.
T'as le cœur qui tambourine, tu pleures comme une madeleine, tu fais des cauchemars, ça fait mal ?
Moi aussi, je sais ce que c'est, je peux t'en parler !

Pourtant, ça fait du temps.
Mais c'est comme si c'était hier.
C'est à ce moment-là que je me suis dit que la vie, elle est pourrie.

Quelle salope, la vie !
Moi, je trouve.
Si j'étais à ta place, je penserais ça.

Je ne suis pas à ta place, c'est vrai.
Moi, c'était il y a longtemps.
Tu verras toi aussi, quand ça fera longtemps.
Il sera plus question de rigoler avec ceux qui ont pas connu ça.
C'est là où tu vas les trouver cons.

J'aimerais bien être à ta place.
Celle où l'on croit qu'on va s'en remettre alors que c'est pas possible.
Parce que après, c'est IMPOSSIBLE.
Tu vois les autres rigoler, toi, t'as pas envie alors que tu voudrais bien.
Mais c'est foutu, et il n'y a rien à faire.
Il n'y a plus qu'à attendre que ça arrive aux autres pour qu'ils prennent un peu de plomb dans la cervelle, les cons !
Parce qu'il faut être sacrément con pour croire que tout va bien !

Mais, t'es con ou quoi ?
T'es comme les autres ?

Non mais, pour qui tu te prends ?!
Tu ne respectes rien ?!

Plus je te regarde, plus je me dis que tu le mérites pas d'avoir un frère en moins !
La vie est mal foutue.

Et arrête de sourire.
Tu vas me rendre optimiste.

(III. L'hiver)

Heureusement que je ne suis pas un type courageux.
Sinon, j'aurais passé mon temps à me suicider.

15 ans.

J'ai attrapé le bordel dans ma tête.
C'est comme l'herpès.
Ca ne part jamais vraiment.
Il faut s'arranger avec les poussées.
Et le bordel comme dans ma tête, personne n'a jamais vu ça, sauf ma mère en essayant de rentrer dans ma chambre, qui était aussi celle de mes frères.
Ca fait comme avec des petits tuyaux percés qui ont grossis et qui sont devenus des gros tuyaux avec des gros trous.

Je n'aimais pas l'école parce que ça ne parlait que d'école.
Je n'aimais pas les profs parce qu'ils étaient tous cons.
Je n'aimais pas les devoirs parce que je préférais traîner dans la rue, le soir, apprendre ce que je ne savais pas.
Je n'aimais rien, à part les filles.
Heureusement !

A 15 ans la vie, c'est pas forcément facile.
Avec les filles, c'était facile.
Un jour, je suis tombé amoureux, pour la première fois.
J'étais tout bizarre. Tout de suite, ça m'a rendu très con.
Mais ça a donné du sens à ma vie.

L'Amour, ça fait aimer la vie !
Avec mes frères, on a arrêté de se battre. De se reprocher les défauts qu'on avait tous parce que on se ressemblait tellement.
On s'est mis d'accord sans se le dire.
Avec mes sœurs aussi.
Cinq, les uns sur les autres pendant vingt ans, ça crée des liens finalement.
Peut-être des liens plus forts que tout.

C'est bizarrement foutu la vie des fois.

Tout ça, c'est pas très simple et pas très drôle.
Le temps de l'insouciance a disparu comme ça.
Presque d'un seul coup.
Mon dernier jour d'insouciance, c'était quand ?

On a vu les petites fleurs, les éternelles, sur le cercueil, prendre feu et s'envoler en faisant des petits flashs de lumière.
Comme il y en avait des centaines, c'était beau.
Bien sûr, on est là et on se dit que c'est la dernière fois alors on voudrait que le temps s'arrête.
Mais le temps ne s'arrête pas.
L'éternité, ça ne dure que le temps d'y penser.

J'ai eu froid pendant des semaines sans pouvoir me réchauffer comme tout le monde, deux mois avant le début de l'hiver.

Voilà ce que c'est, l'hiver.

Virginie, c'est celle qui avait des lunettes jaunes avec une robe à damier noirs et blancs.
Sophie, Catherine, Nadine, Valérie, Sylvie, Nadège, Anne-Lise, Murielle, Annick, Claudia, Corinne, Carine, Corinne…et toutes celles dont j'ai oublié le nom.
Finalement, ça en fait des filles !
Ca m'en a pris du temps.
Et de l'énergie !
Parce que j'en ai rencontré des filles…Et j'en ai perdu.
Mais à chaque fois que j'ai perdu une fille, je me suis retrouvé un peu plus.
Plus on perd, moins on se perd, si ça se trouve…

Si ça se trouve, elles ne se rappellent plus de moi…
Alors que moi, je me rappelle d'elles.

Ce dont je ne me souviens pas, est-ce que ça s'est vraiment passé ?
Ou alors, c'est simplement définitivement oublié ?

C'est bizarrement foutu la vie.
C'est pas de la tarte !

De quoi je me souviendrai plus tard, après tout ça ?
Du bon et du mauvais, comme avec les filles ?

L'important est de ne rien oublier.
Ni le début, ni la fin.
Si on ne souvient pas de la fin, comment est-ce qu'on peut retrouver le début et le milieu ?
Il n'y a rien sans la fin .
Mais on ne parle jamais de la fin, jamais jamais.
Alors qu'il n'y a peut-être aucune raison d'être malheureux.
Tant qu'on est vivant, la fin, ce n'est pas intéressant.
Tant qu'on se souvient.


Bientôt le printemps…
On l'aura attendu celui-là.



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